Le Grain, Le Vin et La Nouvelle Fondation
Avant de devenir ce long brin blond, secoué par les vents, le grain de blé est une minuscule semence, qui doit apprendre à s’ouvrir pour créer des racines dans la terre. Chaque jour il y puise ses forces, se fortifie grâce à l’énergie du soleil et grossit par l’eau.
Lorsqu’il se tend, raide et fier sur sa longue tige, grains au vent, il pense qu’il est le roi du champ.
Mais bientôt vient le moissonneur.
Ramené au sol d’un coup sec par le couperet de la faucille, la tige tranchée de sa racine, l’épi est engrangé par milliers mais le cauchemar ne fait que commencer.
Bientôt trié, calibré, sélectionné, chaque grain est destiné à une fonction : celui-là nourrira les cochons, tandis que celui-ci deviendra fine farine.
D’ailleurs, voici déjà les meules qui l’écrasent consciencieusement, lui retirant toute la forme de son identité passée. Moulu jusqu’à n’en plus pouvoir, les hommes se félicitent de sa belle blancheur, de sa pureté, de sa finesse. Le Grain n’est plus, vive la Farine !
Une autre recette se met bientôt en place : la farine en est le sujet principal, on lui ajoute de l’eau, comme au temps d’avant, mais cette fois-ci il faut en faire un amalgame, on y ajoute encore une pincée de sel ou de levain pour que la pâte lève en pâton musclé.
Après avoir perdu sa forme et son identité, avoir été mouillé et puis s’être vu gonfler en une autre texture, le blé devient le pain, qui doit cuire encore des heures pour finalement être mangé par le moissonneur, le boulanger et tous ceux qui pourront l’acheter.
Le corps de l’humain est tel ce grain de blé, il doit grandir et se nourrir de la terre de laquelle il tire ses bienfaits, et à laquelle il rendra une part de ses acquis. Humilié, épuisé, évidé de ses substances, il donne mais jamais ne reçoit de merci.
Le Raisin a- t-il plus de chance ? Il pousse lascivement sur un arbre, sans jamais toucher le sol ni se salir les pieds, il est groupé à ses grains de parenté. Au soleil de l’été il pousse ses sucs, lisse et ventru à la fin de la belle saison, heureux comme un pape, on le coupe pour lui éviter le froid et trop d’humidité. Ramassé grappe à grappe, luxueusement chouchouté, il se trouve sous la meule sans avoir eût le temps d’y penser. Déchirer et presser, il ne reste bientôt qu’un bon jus et du moult - restes de ses habits. C’est par le partage des sucs les plus intimes de chaque grain avec les autres, que l’Essence du vin se révèle.
Alors, pour que le jus reste bon on le laisse se reposer, à l’isolement, en solitude, il fermente et se lamente. Qui me verra ? Qui me boira ? Lorsqu’un jour, le vigneron vient le chercher, le jus coule en bouteille individualisée, traité en finesse, il devient extase des sens et joyeuseté, car de l’intime naît l’intimité et l’échange des sentiments. Le vin révelerait-il l’âme de la Terre ?
Tel le raisin, l'âme ne touche pas vraiment la Terre mais elle y souffre de solitude amère, y renforce ses tanins pour prendre une nuance qui rend vivants les parfums : les douces teintes de la Terre et des humains qui l’ont vu naître. Lorsque nous sommes des âmes, de notre cœur coule le nectar de nos expériences terrestres.
La Nouvelle Fondation n’est ni grain, ni vin, elle est Esprit.
L’Esprit est clair et pur comme l’eau, fluide comme elle, il descend et imprègne toute chose et la rend Sacrée.
L’Esprit est vaste et multiple, Il court comme le Feu, intense, immense, il englobe et il mord tous les sens, les ravive, les tort, les embrasse, les caresse et les palpe : comment décrire CELA sans omettre quelque chose ? Retourné, ravivé, enchanté et brûlé, nous sommes fiers d’être en cendres et en flammes ! L’Amour et la Vie sont éternels. Notre sang devient un chant, une ode, une Gratitude, un bienfait.
L’Esprit lorsqu’il est éveillé est Présence en tout et partout. Présence tempérée et subtile, timide, réservée, réceptive à l’extrême ou Présence exacerbée et pesante, acier tendu, bouclier immuable, Force imprenable.
Il EST tellement Grand, qu’ en tant qu’humain nous nous sentons infirmes, petits, tremblants, insignifiants, inaboutis, mourants.
Et que lorsqu’Il nous habite, nous enveloppe, nous imbibe, le Monde en devient minuscule, les milliards de milliards ne sont qu’une seule étincelle de notre propre corps, conscience immaculée et brillante posée au milieu de ce TOUT qui s’étend jusqu’aux nimbes cachées, dans de nouveaux recoins qui sont encore sous plis. La bienveillante immensité apparaît sans fards en un vaste terrain vierge, qu’il faut redécouvrir sans cesse en plongeant sans merci, sans regret, à cœur ouvert, l’esprit clair, empli de VIE.
Boire de ce nectar à même le cœur, même si l’Amour parfois semble amer ; c’est en nous, par nous et par l’Alliance qu’il devient Sucre, se transformant en Nectar des Nectars.
Après l’éveil du corps et de l’âme, l’Esprit lorsqu’Il s’éveille rend à toute chose son charme immanent, sa Grâce et sa Vertu, réunissant en un TOUT cohérent les opposés, effaçant les rides, les malaises et les nausées : l’Esprit est Toute Jeunesse, Toute Gaieté, Toute Sagesse, Force et Volonté, Immensité, Immortalité. Plus rien ne vous arrête…mis à part ces petits morceaux de chair que l’on appelle les pieds, restés accrochés sur Terre, même quand celle-ci s’est élevée…ou bien était-ce vous qui étiez suspendu en l’air ?
Qu’importe, puisque vous existez ! Lila